A
ACCUMULATION f.
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Le plus souvent, les éléments
constituant l'accumulation de termes sont arrangés de
façon à former une gradation. (Voir ENUMERATION
et GRADATION). |
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Les onze express apportaient aux six gares principales,
paquet par paquet, des riches, des pauvres, des négociants,
des employés, des oisifs, des soldats en permission, des
voyageurs de commerce rentrant d'une tournée, des
étrangers qui voulaient voir la capitale en automne, des
Belges, des Italiens, des Espagnols qui espéraient s'embaucher;
des femmes qui étaient allées enterrer un
oncle en province...
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JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne
volonté, Le 6 Octobre.
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Comme avec sa cognée un pâtre
brise un chêne,
Il se mit à frapper à coups de bec Tiphaine;
Il lui creva les yeux; il lui broya les dents;
Il lui pétrit le crâne en ses ongles ardents
Sous l'armet d'où le sang sortait comme d'un crible,
Le jeta mort à terre, et s'envola terrible.
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VICTOR HUGO, La légende des siècles,
"L'Aigle du casque"
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Dans ces exemples, l'accumulation
produit, chez J. Romains, un effet d'affluence et de foisonnement,
et chez Hugo, un effet d'acharnement. |
ALLEGORIE f.
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Représentation
concrète, le plus souvent anthropomorphique d'une notion
abstraite. |
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Quand la terre est changée en un cachot
humide,
Où L'Espérance, comme une
chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;
........................................................... L'Espoir
Vaincu pleure et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
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BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal,
"Spleen"
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Ici, les attributs symboliques
que l'on donne ordinairement aux figures allégoriques
servent à Baudelaire de prétextes à la création
d'images assez originales. |
ALLIANCE DE
MOTS f.
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Rapprochement
de mots exprimant des notions qui, d'ordinaire, s'excluent mutuellement. |
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Si vous voyez un jour un fil à plomb
oblique, dites-vous bien qu'il se passe quelque chose quelque
part.
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MARCEL PAGNOL, Le Temps des amours.
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Un saint homme de chat, bien
fourré, gros et gras
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LA FONTAINE, Fables, VII, 15 "Le Chat,
la Belette et le petit Lapin".
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Dans ces deux cas, l'alliance
de mots produit un effet d'humour. Elle peut aussi créer
un effet poétique : |
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Cette obscure clarté qui tombe des
étoiles
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CORNEILLE, Le Cid, IV, 3.
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ALLUSION f.
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Référence
directe ou indirecte à un texte distinct de celui où
figure l'allusion; l'auteur laisse au lecteur le soin de déceler
et d'identifier le texte auquel il est fait allusion. |
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M. Lepage referma le livre et me demanda si je
croyais que ses critiques fussent exagérées ou
déloyales. Je le rassurai poliment, mais je maintins
que le sonnet était beau.
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MARCEL AYME, Le Confort intellectuel.
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L'allusion,
se rapporte à Molière, Le Misanthrope, I,
2, où il s'agit précisément d'un sonnet: |
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Oronte:- Et moi, je vous soutiens que mes vers
sont fort bons.
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Autre exemple: |
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Le comte était un passant remarquable;
aussi eut-il le plaisir d'être reconnu et accosté...
On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit; on ne
se promène point quand on est aussi puissant.
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STENDHAL, La Chartreuse de Parme.
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L'allusion
renvoie à la Fontaine, Fables, IX, 4, "Le Gland et
la Citrouille": |
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On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit
Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.
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Cette allusion
produit un effet d'ironie: pas plus que le personnage de la Fontaine,
le comte n'a l'intention de tirer la conséquence logique
de sa remarque; il continuera sa promenade. L'allusion indique
aussi la culture du comte, et, le ton sur lequel est faite cette
allusion, l'absence chez lui de tout pédantisme. |
AMBIGUITE f.
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Expression ou phrase à
sens multiples. Le critère de qualité d'après
lequel on reconnaît une bonne ambiguité est le caractère
approprié de chacun des sens possibles qui, loin de s'exclure
mutuellement, se combinent pour laisser planer une incertitude
quant à l'intention primordiale de l'auteur et donner
à la phrase une énigmatique complexité.
A son niveau le plus simple, l'ambiguité est jeu
de mots. (Voir JEU de MOTS). A son niveau le plus élevé,
elle constitue un effet poétique. |
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Dans ses journaux, la bourgeoisie affirmait qu'elle
voulait le bien du peuple; par un malheureux hasard,
celui-ci prenait ces paroles dans leur sens littéral,
il en déduisait qu'on voulait ses derniers sous.
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ROGER NIMIER, Le Grand d'Espagne.
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Ici,
la tentative de la part de l'auteur de dissiper l'ambiguité
est en fait une manière ironique d'attirer l'attention
sur elle. |
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un jour
qu'il était allé faire à l'Aurore sa
cour,
Parmi le thym et la rosée.
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LA FONTAINE, Fables, VII, 15,
"Le Chat, la Belette et le petit Lapin".
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Il y a là
au moins trois sens acceptables : à l'Aurore = au point
du jour, le lapin sort dans la campagne. Mais l'Aurore est aussi
une allégorie mythologique : faire sa cour à l'Aurore
peut vouloir dire que le lapin est amoureux d'elle ou même,
qu'en sujet respectueux, il va assister au petit lever de l'Aurore
qui règne sur ce domaine. L'évocation est composite,
l'ambiguité source de poésie. |
ANACOLUTHE f.
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Brusque modification de
la construction grammaticale. La phrase débute d'une manière
et continue d'une façon imprévue. L'anacoluthe,
fréquente dans la langue parlée, donne à
un texte littéraire une certaine concision et un air de
spontanéité. |
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Le nez de Cléopâtre s'il eût
été plus court, toute la face de la terre aurait
changé.
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PASCAL, Pensées (Lafuma 413)
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Elle avait en effet une voix agréable,
Qu'on pouvait avec du travail, améliorer.
Mais de là
A être admise sur les toits de la Scala...
Il ne fallait pas y songer.
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JEAN ANOUILH, Fables,
"La Fauvette célèbre".
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ANAPHORE f.
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Répétition
de mots en tête d'une succession de vers ou de plusieurs
membres de phrase. |
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Rome, l'unique objet de mon
ressentiment!
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon
amant!
Rome qui t'a vu naître, et que ton coeur adore!
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore!
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CORNEILLE, Horace, IV.5.
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Le bruit de la vague la plus voisine: un éclaboussement;
Et l'autre vague un peu plus loin: une aspersion;
Et l'autre encore: un grondement lointain;
Et l'autre, se retournant, fait "Chut!"
Et toutes les vagues de la mer longtemps murmurent.
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VALERY LARBAUD,
Les Poésies de A.O. Barnabooth, "Europe,
I".
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ANTIPHRASE f.
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Phrase formulée
dans l'intention de faire entendre le contraire du sens exprimé.
Procédé fréquent d'ironie. |
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On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui
est un être très sage, ait mis une âme, surtout
une âme bonne, dans un corps tout noir.
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MONTESQUIEU, L'Esprit des lois,
XV, 5.
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........................................Je vois
que vous voulez
Etre à Monsieur Tartuffe; et j'aurais, quand j'y pense,
Tort de vous détourner d'une telle alliance -
Quelle raison aurais-je à combattre vos voeux?
Le parti de soi-même est fort avantageux.
Monsieur Tartuffe! oh! oh! n'est-ce rien qu'on propose?
Certes Monsieur Tartuffe, à bien prendre la chose,
N'est pas un homme, non, qui se mouche du pied,
Et ce n'est pas peu d'heur que d'être sa moitié.
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MOLIERE, Tartuffe, II, 3.
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ANTITHESE f.
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Opposition de deux pensées,
de deux expressions, ou de deux mots que l'on rapproche dans
le texte pour créer un fort contraste: |
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C'est que Chadenat n'était pas un libraire
comme les autres, il lisait ses livres et je me suis toujours
demandé s'il ne tenait pas boutique pour acheter les
livres plutôt que de les vendre,
les acheter de peur de manquer de lecture.
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BLAISE CENDRARS, Bourlinguer.
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Et l'aigle impériale, qui, jadis,
sous ta loi
Couvrait le monde entier de tonnerre et de flamme,
Cuit, pauvre oiseau plumé dans leur marmite infâme!
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VICTOR HUGO, Ruy Blas, III, 2.
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ANTONOMASE f.
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Substitution d'un nom propre
à un nom commun. |
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Le Chat et le Renard, comme beaux petits saints,
S'en allaient en pèlerinage.
C'étaient deux vrais Tartufs, deux archipatelins...
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LA FONTAINE, Fables, IX, 14
"Le Chat et le Renard".
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= deux hypocrites, deux malins. Le
nom de Maître Pathelin a été modifié
pour lui donner une intensité accrue. |
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J'ai lu chez un conteur de fables,
Qu'un second Rodilard, l'Alexandre des chats,
L'Attila, le fléau des Rats
Rendait ces derniers misérables.
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LA FONTAINE, Fables, III, 18.
"Le Chat et un vieux Rat".
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Rodilard est le nom d'un chat mentionné
par Rabelais. |
APOSIOPESE f.
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Interruption soudaine
d'une phrase. Ce procédé peut, entre autres effets,
indiquer la menace: |
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Je devrais sur l'autel où ta main sacrifie
Te..... Mais du prix qu'on m'offre il faut me contenter.
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RACINE, Athalie, V, 5.
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ou l'indignation: |
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Et ce n'est pas assez! Et vous voulez, mes maîtres...
!
Ah! J'ai honte pour vous!
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VICTOR HUGO, Ruy Blas, III, 2.
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APOSTROPHE f.
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Interpellation du lecteur,
d'un personnage ou d'un être évoqué par l'auteur. |
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N'espérons plus, mon âme, aux promesses
du monde.
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MALHERBE, Imitation du psaume
Lauda anima mea Dominum.
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APPOSITION f.
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Juxtaposition
de deux noms dont le second décrit ou précise le
premier. C'est là une forme courante de la métaphore.
La juxtaposition permet une certaine concision. |
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Satan, ce braconnier de la forêt
de Dieu.
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VICTOR HUGO, La Légende des Siècles,
"La Vision d'où est sorti ce livre".
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ASSONANCE f.
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Répétition
de sons qui n'ont pas la rigoureuse similitude exigée
de la rime. |
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Je ne serai plus rien, moi. Lui, sur le trottoir,
Là-bas ne sera plus rien. Ni vous qui buvez
Aux terrasses; ni vous qui dormez sous les toits,
Depuis longtemps, notre âme, on l'aura vendangée.
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JULES ROMAINS, La Vie unanime,
"Demain".
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